mardi 8 février 2011

chapitre 30, suite

Galen, puisqu’on pouvait l’appeler ainsi, avait changé de position pour pouvoir mieux surveiller la traque du chaman et continuer de lui apporter son soutient si besoin était. Il scrutait, à l’aide de la lunette de son fusil, les alentours de la maison pour voir si l’une des truies n’arrivait pas à s’échapper. Rien ! Il ne vit rien.
Le chaman se tenait devant la porte d’où il continuait à entendre des bavardages. Quelque chose n’allait pas ! Le ton des voix était toujours aussi calme et son instinct lui disait qu’il n’y avait plus personne dans la pièce.
En entrant dans la pièce, il sut qu’il devait toujours se fier à son sixième sens, que sa nature animale ne pouvait le tromper.
S’il y avait bien quelques matelas posés à même le sol, plus une seule de ses proies n’étaient dans la chambre. Sur deux petites enceintes, trônait un ordinateur portable qui diffusait des conversations préalablement enregistrées.

Le chaman éructa :

- Que leur race soit maudite ! Qu’elles se flétrissent et pourrissent sur-le-champ, ces bâtardes !

Puis il  se mit à entonner un chant aux paroles incompréhensible aux hommes depuis des millénaires. Il réussit à se calmer et inspecta la pièce.
Il trouva rapidement, raclant de ses doigts calleux chaque portion de mur. Une mince couche de plâtre recouvrait une sortie. Plutôt que de chercher à trouver un mécanisme, l’assassin venu d’un autre âge, recula de plusieurs pas et fonça. Roulé en boule, il traversa sans peine, le plâtre et l’ouverture qui se trouvait derrière.

Mais les trois barres de ferraille utilisée pour le béton armé plantées dans le sol, le stoppèrent net dans son élan.
Deux d’entre elles le transpercèrent de part en part, lui infligeant de sévères traumatismes internes.
L’une des barres était fichée dans son épaule tandis que l’autre lui traversait l’abdomen.
De loin, Galen était bien incapable de dire si le chaman pouvait se sortir de cette situation.

C’était mal connaître les bienfaits de l’incapacité de ressentir la douleur et la peur de la mort.
Au prix d’un effort démesuré même pour un être comme lui, le chasseur parvint à libérer son bras. Une fois ses deux mains en état de se mouvoir presque normalement, il tira sur la tige métallique. Centimètre par centimètre, il arrivait à reculer et se sortit cette ferraille du corps. Deux petites minutes et à peu près autant de litres de sang lui furent nécessaires.

Sans un regard pour le liquide qui continuait de s’échapper de son ventre, il se précipita dans la maison. Il en ressortit toujours entrain de courir avec un morceau de tissus bleu serré par un large ceinturon noir comprimant ainsi la plaie. Son équipement sommaire venait de restes d’uniforme de gendarme.
Humant l’air comme un fauve cherchant sa proie, il s’éloigna vers la sortie du village suivit de loin par le snippeur.

Faisant confiance au sens de la chasse du chaman, il dirigea son fusil à lunettes quinze mètres devant lui. Là, grâce à l’équipement de vision nocturne de son arme, il parvint à distinguer une forme à terre. Sans se demander de quoi ou de quoi il pouvait s’agir, il fit feu. Il vit avec plaisir qu’il avait fait mouche aux mouvements de sa victime. Oui, c’était bien une des femmes qu’il recherchait. Elle s’était relevée et battait des bras. Visiblement le tireur ne l’avait que légèrement touché. Le deuxième tir fut plus précis. Le ventre de la femme enceinte explosa sous le choc. Elle s’effondra dans l’herbe.

- Bien ! Encore cinq poules porteuses et Madame je-sais-tout , se murmura t’il, son sourire retrouvé.

Le chaman avait entendu le cri étouffé de cette nouvelle victime et prit immédiatement la direction du corps gisant dans une large mare de sang. Il ne  distinguait pas  grand chose, tant ces balles explosives faisaient de dégâts. Une chose était sûr, l’enfant ne survivrait pas à sa mère. De petits morceaux de phoetus humain gisaient ça et là.

Relevant les yeux pour scruter les alentours, le chasseur aperçut un léger mouvement près d’une sorte de cabane faite de planches et visiblement abandonnée depuis pas mal de temps.

Il s’agissait en fait d’un ancien séchoir pommes de pin, ayant servi vers le milieu des années soixante-dix à l’exportation vers l’Irlande et autres pays manquant de forêts, de graines de pins corse.
Quelques personnes sur l’île avaient eu vent de la bonne affaire et en avaient profité, le temps d’amasser assez d’argent pour leurs vieux jours.
Plusieurs régions d’Europe avaient replanté avec plus ou moins de bonheur les graines. L’Irlande, par exemple, après plus de deux siècles sans le moindre conifère à se mettre sous la dent, n’avait pas pensé que ces pignons de pins deviendraient des arbres. Les forestiers, firent ce qu’ils croyaient le plus efficace et alignèrent chaque graine, à quarante centimètres les unes des autres comme s’il s’agissait de salades.
Dix ans après, des champs entiers de pins maigrelets et poussaient et étouffaient les uns contre les autres. 
Les quatre cinquièmes des arbustes durent être arrachés, les autres ne survivant pour la plupart que  quelques années supplémentaires avant de mourir prématurément.
De mauvaises langues parlèrent à l’époque de mauvais conseils donnés par les vendeurs de graines corses. Mais eux non plus n’y connaissaient rien aux plantations. Ce n’étaient que de « simple commerçants » !  Et l’histoire s’arrêta là.


Le chaman, toujours précédé de peu par Galen, le tireur fou, se dirigea vers cette frêle bâtisse.
 Il savait qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps. Sa blessure ne cessant de répandre une longue traînée brunâtre, il décida de faire dans l’efficace.
Il avait assez de remontant sur la victime déjà abattue. Et comme il lui fallait faire vite pour ne pas que son « remontant » ne soit usagé, il se mit à ramasser de l’herbe sèche, qu’il colla dans les interstices que les années avaient formé entre les planches. La résine même sèche qui avait coulé des planches servirait d’accélérateur.
Une fois une bonne quantité d'allume-feu placé stratégiquement, il se mit à faire de grand signe vers son snippeur.

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