mardi 19 octobre 2010

ENFANCE chapitre 1, pages 1 et 2

I    ENFANCE


Chapitre 1


FUITE



-Je suis un meurtrier, je le savais non ? Et comme ça, comme un lâche, je l’ai laissé mourir ! 

J'ai tué ma mère. 
Mais pourquoi n'ai-je rien fait pour la sauver ! C’était pas sorcier non d’un chien !
Il repensait à sa mère, sa chère maman qu’il ne reverrait plus, tout comme aux jumeaux, deux adorables bébés sans défense qu’il avait laissés derrière lui sans se retourner. Il s’en voulait à mort pour cela. Il savait cependant au fond de son âme qu’il n’avait pas d’autre choix. A l’inverse, il ne se sentait pas du tout triste pour le ravagé du cerveau qui l’avait poussé à suivre son instinct, par la vie cataclysmique que leur avait imposée cette brute avinée.
- Un assassin, un pauvre minable de lâche d’assassin. Voilà ce que je suis !
Ces phrases et quelques autres du même acabit lui trottaient dans la tête depuis maintenant plus de deux heures. Deux heures à marcher sur cette vacherie de bas côté d’autoroute et avec deux gamins qui ne se rendaient compte de rien ! Il aurait aimé avoir en ce moment leur âge, à les regarder jouer comme si la vie se déroulait à l’instant présent.
Mais le moment était, il le sentait, plus à l’urgence qu’à la rêverie. Il lui fallait s’éloigner le plus vite possible plutôt que de penser à des âneries comme disait maman ou de revenir sur le « carnage » qui les avait mis tous les trois dans cette situation.
-Allez, les frangins ! Venez près de moi ! Si vous voulez qu'on ait une chance de rester ensemble, faites exactement comme je vous l’ai dit, non d'un chien ! Leur intima-t’il autant pour eux que pour se donner du courage et ne plus penser à ce qui s’était passé tout à l’heure.
Dehors, alors que l’orage se terminait, l’air se remplissait de l’odeur des herbes en train de sécher après un long été ensoleillé. Quand l’orage avait éclaté, ils avaient trouvé refuge sous la pile d’un pont qui enjambait de l’autoroute.
 Malgré le vacarme du trafic automobile, le garçon commençaient à s’assoupir, accroupi, le dos appuyé contre le béton encore chaud de l’énorme pilier. Son blouson roulé en boule lui servait d’oreiller. Seuls ses cheveux longs et bouclés, son jean et son T-shirt noir qui lui collait à la peau, encore trempés l’empêchaient de plonger dans un profond sommeil. Les paupières lourdes, Il laissait son esprit vagabonder encore un peu sur les évènements qui s’étaient enchaînés depuis le début de la journée. Il gardait néanmoins toujours un œil toujours sur les petits.
Après une bonne minute d’étirement, il décida qu’il était temps de songer à se remettre en route, de fuir le plus loin possible.
Vers où et comment, ça n’était pas d’actualité pour le moment.


****

Alors qu’ils s’étaient remis en marche, l’adolescent, longiligne à qui l’on aurait volontiers donné treize ou quatorze ans avec son mètre soixante-dix et ses grands yeux au regard triste, essayait de remettre de l’ordre dans ses pensées. Il ne voulait pas se laisser déborder par ses sentiments, le chagrin et la peur de l’avenir.
-D’abord eux et puis moi, D’abord eux et puis moi, ouais à moi plus tard ! Faire comme maman a dit! Les mettre en sécurité, c’est facile à dire mais qu’est ce que je vais faire d’eux…Bon sang  ! Marmonna-t’il à voix haute sachant parfaitement que les petits ne l’entendraient pas pris qu’ils étaient par leurs jeux faits de courses et de cris.
Il ne voulait pas se l’avouer mais il sentait qu’il perdait de sa vigilance à mesure que la fatigue, la faim et l’angoisse le gagnaient.
 En regardant les deux bambins qui se trouvaient dix mères devant lui, il songea :
- En voilà deux pour qui la vie n’était pas devenue un problème ! Instantanément, un sourire apparut sur ses lèvres sans qu’il ne rende compte.
-Eh, les frangins ! Revenez un peu par-là, lança t’il. Qui veut terminer les chips ?
Les deux gamins se regardèrent un instant avant de partir au pas de course vers le paquet bleu et rouge qu’il venait de sortir de sa poche de pantalon et qu’il agitait aussi haut que ses bras lui permettait.
Pendant que les deux enfants dévoraient ce qu’il restait du vieux paquet de chips, l’attention du jeune adolescent fut attirée vers la sirène dont le son s’amplifiait à mesure que la voiture se rapprochait.
- Stop ! intima t’il aux bambins.
Les deux paires d’yeux se fixèrent immédiatement sur lui. Il continua prenant soin d’adoucir le son de sa voix comme pour jouer au « secret qu’il faut garder si on se fait attraper ».
-Vous vous souvenez des consignes, hein ! Vous entendez la sirène, pas vrai ?
Les deux petits hochèrent de la tête en même temps.
-Qui est capable de me les redire ?
Et les deux bambins de répondre à l’unisson : « on a perdu la voiture de maman et papa quant ils se sont arrêtés parce qu’ils se disputaient pour la route. Alors on est descendu, juste pour voir dehors et la voiture est repartie… » C’est ça, hein ?
Et pour moi ? ajouta le garçon
-Si t’es avec nous, on vient juste de te rencontrer et si tu te caches bien et que personne te voit, on dit rien sur toi jamais-jamais c’est juré-craché,  expliqua tout fière le plus grand des deux enfants.
Le garçon réussit à sourire, acquiesça avec un air complice destiné aux « frangins », et ajouta :
-vous entendez la sirène qui se rapproche ? Voilà ce dont il faut se méfier. Alors on fait comme pour les autres, hein ? Dès qu’elle se toute proche, vous irez vous cacher dans l’herbe, là, à côté du pont et moi, je serai plus haut, derrière le « gros-poteau-gris » pour vous surveiller. Si la voiture s’arrête, vous courrez vers elle et dites au policier ce que vous venez de me dire….. Et n’oubliez pas de pleurer, ok ?
C’était la quatrième fois qu’une sirène se faisait entendre puis passait sans même ralentir. A chaque fois le jeune garçon retenait son souffle puis criait qu’il fallait se cacher. les deux »frangins et lui-même plongeaient alors instantanément dans les hautes herbes du bas côté de l’autoroute. Il espérait tant que la nuit arrive et qu’il trouve une échappatoire facile d’accès pour les petits à cette maudite autoroute. « De leur sécurité dépend l’avenir » répétait souvent sa mère. Il repensa à la décision de fuir qu’il avait pris pour la première fois sans lui en parler.
Il repris ses esprits, la sirène retentissant beaucoup trop fort. Il cria :
-Allez, tout le monde se cache. Vite la sirène est forte. Un, deux, trois, courrez, courrez vite !

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