lundi 18 octobre 2010

pages 2 et 3

Nous, les végétaux supérieurs, n’avions que peu de temps devant nous ! Hélas, mille fois hélas, la rapidité n'est pas notre fort !
Il faut dire à notre décharge que les minéraux, ces pauvres tas de cailloux, se vengeaient de nos railleries sur leur immobilisme. Ne voilà pas que ces amas de pierres destinés à redevenir poussière prenaient un malin plaisir à bouger, à émerger du fond des mers puis à y retourner au gré de cataclysmes dont ils ont seuls le secret.

Il était déjà trop tard ! Le mal était fait. Dans notre précipitation à trouver le meilleur moyen pour sortir de l’eau et d’évoluer en gardant nos inestimables caractéristiques, nous avions commis l'irrémédiable ! La création de l’ordre animal ! Eux aussi faits de chair et de sang, enfin, faits de leur chair et de leur sang !
Rien à voir avec nos spécificités uniques destinées à régner sans partage sur cette boule que vous nommerez bien plus tard la Terre !

Nous le reconnaissons volontiers, tout ce patacaisse est entièrement de notre faute
Un peu trop de fer dans notre système circulatoire et le sang était né. Au départ fort proche de nous, en terme de composition, ce système sanguin permit l’apparition de ces êtres fourbes, imprévisibles et gesticulateurs. Vous les nommerez "Animaux". Tu parles ! De sacrés empêcheurs de tourner en rond, oui !

Et comme si ça ne suffisait pas, ils se sont permis de se multiplier et de se différencier à vitesse grand "V".
En tous les cas, beaucoup trop rapidement pour nous, nom d'un chrysanthème ! Nous n'avons rien pu faire. La faculté d'adaptation de ces olibrius sur pattes, ou pas, dépassait de loin nos maigres facultés de réaction.

Des animaux apparaissaient maintenant chaque jour ! Et oui ; nous, végétaux de toutes espèces, étions maintenant menacés par de nouveaux rivaux. Pourtant, jusqu’alors, nous étions les plus rapides.
C’est vrai que les minéraux n’étaient guère réputés pour leur célérité. Si nous en plaisantions depuis le fond des âges, nous comptions quand même sur eux pour ne pas trop se déplacer. Sinon ou aurions-nous pu nous accrocher pour vivre et nous développer ?
Alors quelques-uns parmi-nous, les végétaux supérieurs, décidèrent de partir la haut, à la hâte, sur la terre, pour échapper à ces monstres grouillants que nous avions engendrés par mégarde.

C’est sous la forme de petites mousses et de lichens que nous nous sommes arrimés la haut, sur le sol. Exactement comme nos frères de l'ordre végétal qui s'étaient sacrifiés en stoppant leur évolution pour permettre la notre là-haut, hors de l'eau. Une fois conquise, la terre nous offrait un espace réservé rêvé pour nous épanouir. Nous nous sommes diversifiés, tant et si bien, que rapidement plus un centimètre carré ne pouvait échappe à notre conquête. Nous avions un nouvel espace où évoluer sereinement !

Une partie d’entre nous s’est de nouveau sacrifiée pour fabriquer l’oxygène nécessaire à la survie de l’organisme nos têtes pensantes, de nos espèces dirigeantes. Magnifique don de soit qui vous permet d’admirer chaque weekend lors de vos promenades nos vaillants ouvriers, les arbres.
Mais elles ne restaient pour nous que le moyen d’arranger ce pauvre amas de rocaille qu’était au départ notre petite terre.
Là bonne marche de notre plan de conquête était à ce prix puisque ces satanées bestioles s’étaient invitées, elles aussi, sur nos terres émergées, mettant en danger notre existence. C'est que ça n'arrête pas de respirer ces animaux, et sans aucune contre partie pour le bien être des autres habitants de la planète.

Nous avions pourtant bien réfléchi, tout planifié avec soin. Mais la capacité d’évolution des animaux nous a pris de vitesse. Nous ne pouvions aller plus vite. Il faut que vous compreniez que notre raisonnement n’est pas individuel mais collectif.
Nous, les végétaux supérieurs, sommes tous reliés et la moindre décision prend énormément de temps. C’est la clé de notre supériorité sur ces bestioles volatiles et superficielles, rampantes, courantes et volantes en tous sens, engagées dans une lutte chaotique pour être à la pointe de leur misérable évolution.
Nous, c’est l’inverse ! Nous partageons tout. Des systèmes nerveux et sanguins qui sont communes à toutes nos espèces, courent en réseaux infinis pour aboutir à une stratégie de développement mûrement réfléchie commune à nous tous.
A peine avions nous mis au point un système de reproduction impliquant nos «chères bêbêtes» et l’ingestion par elles de notre nouvelle invention, la graines que… Vlan ! Il était déjà trop tard !

Le temps que les tapis de mousses qui nous relie les uns aux autres nous fassent parvenir les différentes informations et voilà que ces maudits animaux ne nous trouvent plus à leur goût ! Ils ne veulent plus de nos graines, trop pauvres en apports nutritifs et trop proche de leur propre système corporel, nerveux et circulatoire. Ils se refusent à manger notre semence et donc à les disséminer.  Ils se contentent de nos cousins, simples végétaux.

Plus de descendance, plus d’avenir ! Et en moins de temps qu’il ne faut pour qu’une de mes branches ne pousse assez pour caresser ma bien-aimée et voilà que notre territoire s’est réduit comme une peau de chagrin. Quelques larges vallées, le rift africain, c’est tout ce qui nous reste.
Bien pire encore ! Les aléas climatiques de notre planète, avec ses périodes chaudes puis glacées, nous font disparaître de nos derniers sanctuaires et nous obligent à nous réfugier sous le sol, sous forme de graines, attendant l’arrivée d’un hypothétique sauveur…

Mais même les animaux commettent des erreurs.

Ils ont engendré ceux qui s’appellent les hommes ! Mais personne à cette époque ne pouvait imaginer leur pouvoir de nuisance qui alliait inventivité et manque de réflexion à long terme, le tout, mâtiné d’égoïsme forcené. C’était maintenant à nous de dresser ces drôles de nouveaux bestiaux à deux pattes. Agiles comme ils sont, il est certain qu’ils vont pouvoir nous rendre ce que leurs ancêtres nous ont enlevé.

CETTE PLANÈTE EST NOTRE !

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