lundi 31 janvier 2011

Chapitre 28, fin

Pour l’instant et les jours  à venir, l’homme à terre était irrécupérable.  Il avait trop de substance, appartenant à d’autres, qui l’empêchait de voir qui il était et ce qu’il pourrait devenir.
Claude décida de le laisser là, dans cette cave. Nick avait eu raison. Ce n’était pas encore le moment pour lui. Il devait retrouver sa vraie nature, son humanité.
Alors il se recula de trois pas en direction de la porte et de Charlène qui y était collée, l’air hagard, blanche comme un linge, et s’arrêta. Il était maintenant hors de portée du « pauvre apprenti tueur ».  
Toujours par terre, il était maintenant roulé en boule et n’émettait plus aucun son. Il saignait de la bouche et des oreilles, mais son nez s’était lui, arrêté de couler et le sang commençait déjà à coaguler en deux longues traînées épaisses et brunâtres.

Claude pensa très fort qu’il était temps de partir. Il espérait que ces alliés végétaux allaient revenir en lui.
Il dut s’y reprendre à quatre fois mais il y parvint. Les ramures, sortir lentement des orifices de l’homme enchaîné, les éclairs lumineux baissèrent d’intensité avant de cesser. La mousse qui recouvrait chaque fil devint de plus en plus fine à mesure que les échanges de communications cessaient entre Claude et son agresseur.
Moins de deux minutes plus tard tout était rentré dans l’ordre. Plus de trace de ces étranges brins végétaux, tous rentrés en Claude qui lui-même avait retrouvé sa personnalité propre. Mai sil n’avait rien oublié de ce qu’il avait appris de cet homme, toujours inerte sur le sol en ciment de la cave. Il frissonnait et tremblait, comme un toxicomane en manque. Les jours prochains allaient s’avérer décisifs pour lui. Soit, il survivrait au pire sevrage que l’on puisse imaginer, soit, il mourrait ou resterait si marqué par les atrocités qu’on lui avait enseignées  à pratiquer sur d’autres hommes, qu’il ne pourrait retrouver l’ensemble de ses facultés mentales.

Charlène compris que ce n’était pas le moment pour commencer à demander des explications. Elle laissa Claude passer devant elle qui, sans un regard la saisit par la main et la ramena doucement, comme s’il était épuisé dans l’immense hall d’entrée de la résidence « Dorlan ». Même une fois arrivées, il ne lui lâcha pas la main. Simplement pour lui faire comprendre qu’il était de nouveau lui-même, qu’elle n’avait plus rien à craindre et qu’il s’expliquerait le temps qu’ils récupèrent, l’un comme l’autre.

Charlène ne fit rien pour se séparer de cette main qui lui rappelait qu’elle vivait toujours dans un monde normal ou presque …

******

A des milliers de kilomètres de là, Nick  s’arrêtait sur le parking de l’hôpital où se trouvait le père d’Anua. La jeune femme aperçut dans l’instant son cher Raph en train de faire les cent pas devant l’établissement, faisant s’ouvrir et se fermer les deux larges portes vitrées de l’entrée. Il semblait ne pas s’en apercevoir au grand désespoir de l’infirmière de l’accueil.
Elle sourit en voyant le manège et se tourna vers Nick qui lui annonça sobrement :
- C’est bon, tu peux y aller,  je te libère de ma présence.
- C’est bien gentil à vous, mais je dois vous demander une chose : ou m’avez-vous connue ?
- Tu ne te souviens pas d’un gars qui criait tout le temps, d’une sordide cabane rafistolée et de quelques heures de marche ?
- Ben… J’ai eu le temps de réfléchir pendant que « Monsieur » conduisait son bolide mais je dois dire que … NON ! Une deuxième question et je m’en vais, OK ?
- Vas-y toujours !
- Ou cette cabane où nous aurions vécu ensemble se trouve t’elle ?
- Bien joué gamine ! Tu veux voir si ta capacité à revoir l’histoire de certains endroits peut te servir encore une fois ? Désolée, ma belle, mais je serais bien incapable de te le dire. Quelque part  dans le désert de l’Arizona, à une vingtaine de kilomètres d’une autoroute. Tu sais, j’étais pas vieux non plus. Et ma tâche était loin d’être aisée là-bas. Mais tu peux toujours demander à ton charmant agent spécial personnel de mener une petite enquête, OK ?
- Bon, ça va, un jour ça me reviendra…Ou pas, peu importe, non ? Allez, ciao « l’homme mystère » !

Anua ouvrit la porte, sortit de la voiture et mit sa main sur la poignée de la porte arrière du véhicule pour récupérer ses précieux cartons à dessins.
La voiture démarra en trombe avant de stopper à une trentaine de mètre de là. Anua avait encore le bras tendu vers une invisible portière. La fenêtre de la « Mercedes » s’ouvrit et la voix du géant retentit sur le parking :

- Pas la peine de porter ces poids morts, gamin ! Je m’occupe de tout. Mais promis , on se revoit demain ou après demain et je t’explique pourquoi j’en ai  besoin, d’accord ?

Et la voiture redémarra en trombe, sortit du parking  et disparut dans la nuit, tous feux éteints.

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