mercredi 8 décembre 2010

chapitre 21 suite

    -       Tu est bien parti, "mon gros lapin", pour un petit du village, non ? Dit-il à haute voie, plagiant sa mère vénérée, corse d'origine et qui l’avait toujours dorloté, comme une vraie méditerranéenne.
Le contraste promettait d’être fort avec le rendez-vous princier de ce soir, lui qui avait grandi dans un village d’à peine vingt-deux habitants, du moins en hiver.

L'été, la population explosait. Le village passait alors à plus de deux cent cinquante âmes issues de la "diaspora" corse. Et cette explosion démographique se répétait dans toutes les vallées de l'île.

Il y a encore quarante ans, seuls ceux qui avaient fait fortune " aux Amériques " revenaient avec leurs énormes voitures et leurs gadgets technologiques. Ils étalaient leurs richesses et ne pouvaient renoncer à leur confort.

C’est ainsi que nombres d’habitations se sont retrouvées avec un genre de verrues de façade, accrochées aux vieux murs de pierre. Ces horribles choses, bâties à la va-vite, servaient à mettre à disposition de cette population aisée, toilettes et salles de bain.

Très vite, l’eau courante se démocratisant, l’ensemble des familles en firent construire.

C’est comme cela que les villages se sont vus défigurés par cet invraisemblable bric à braque de constructions en parpaings et ciment.  Aujourd’hui encore, la plupart des Corses du continent qui pour la plupart venaient de la région marseillaise perpétuaient cette tradition du " regardez, combien j’ai réussi ".

Ils venaient passer l'été à montrer qu'ils n'avaient pas perdu leurs racines mais aussi combien ils avaient réussi, déboulant dans ces petits villages en gros quatre-quatre et autres berlines luxueuses qu'ils laissaient devant la maison familiale à la vue de tous.

Cette mentalité pourrait apparaître archaïque, mais derrière ce "matuvisme" se cache en réalité un profond respect des traditions de ce peuple si déshérité et un attachement viscéral à cette terre.

Cette île, occupée et exploitée par une succession d’envahisseurs tout au long de son histoire, était de toutes manières si pauvre, qu'elle avait poussé à l'exil des générations d’être humains,  faute de pouvoir les nourrir.

Claude pensa qu'il aimerait bien un jour, lui aussi, faire partie de ces exilés venant étaler leur réussite d'outre mer. Il en aurait franchement souri si une ombre gigantesque ne venait obscurcir ses vingt-deux premières années de vie idyllique.

Claude cessa de penser à ses problèmes personnels, à la Corse et ses particularismes en arrivant en vue du "Ritz". Par bonheur, il trouva une place de stationnement rapidement. Il y vit un signe de bon augure pour l'avenir. Il le savait, il était un incorrigible optimiste.

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