jeudi 11 novembre 2010

Chapitre 12, 2 pages

Mort subite d’un avocat XII

Il attendait ce moment avec délectation. Des mois de filature, des heures à rester par terre sur le trottoir et deux semaines à croupir dans un tribunal, à devoir subir ce cirque.
A réécouter ce qu’il savait déjà. Ces nuls ! Ils en savaient beaucoup moins que lui mais c'était vrai que cet avocaillon était bougrement malin et avait su prendre sans se poser de question les informations qu’il lui faisait tomber du ciel. Oui, il était bien l'un d’eux !

Mais le principal était fait. Bon dieu que c’était bon de sentir ce courant électrique lui parcourir le corps. Même la sueur qui perlait à la base de sa nuque et sous ses aisselles lui semblait agréable. Aujourd'hui, elles étaient annonciatrices de sa première action d’éclat en solitaire, de sa première récompense. Il en frissonnait de plaisir.
"Plus qu’six minutes et il est à moi. Ca commence à sentir bon la testostérone, hein mon mignon petit homme de loi à moi !" pensa t’il, impatient de savoir si tout allait se passer comme prévu.
Appuyé contre ce vieux mur de briques, tête baissé, habillé en hayon, une coupelle posée devant lui à même le sol, personne ne pouvait se douter de la tempête qui bouillonnait en lui et qui allait bientôt ravager les alentours. Seul le battement frénétique de son pied sur le trottoir marquait son excitation. Mais qui allait s’occuper du pied d’un moins que rien qu’on avait renoncé à chasser tant il paraissait insignifiant et qui était devenu invisible pour les habitués de cette rue commerçante.
- Carla me l’a assez seriné. Les cibles ne doivent jamais être détectables facilement. Alors messieurs- dames, préparez-vous au grand feu d’artifice ! Et mes condoléances pour les familles ! Comme dans les films avec « shwarzy » du temps de sa splendeur ! "Terminator" et ses copains d’Hollywood ne le renieraient pas aujourd’hui se promit-il.

- Quatre minutes ! Encore quatre petites minutes à attendre. Il se remémora une dernière fois ce qui l’avaient amené à choisir cette rue, cet endroit et ce qui allait s’y dérouler. Et la véritable cible. Il se sentait encore fatigué par ces derniers jours de stress à s’assurer que tout se déroulait selon son plan, mais bientôt, il péterait le feu. Le goût métallique du festin à venir mettait sa bouche en feu.

Il avait mis du temps à trouver l’endroit idéal. Cette rue commerçante où la vie ne s’arrêtait jamais de grouiller lui était soudain apparu comme le lieu parfait pour terminer la phase deux de son « job d’été ». C’est pourquoi cela faisait plus de trois semaines qu’il restait assis au même endroit dès que les audiences se terminaient. Il avait pu noter mentalement chacune des petites habitudes qui rythmait la vie de la rue où il mendiait.
La secrétaire tartinée de crèmes diverses et aussi bandante qu’un vieux sapin de Noël qui descendait à quatre heures pour s’en griller une. Le balai incessant des livreurs de pizza et autres chinoiseries sur leurs pétrolettes. Y’avait aussi la place de stationnement que se réservaient les commerçants devant leurs boutiques en bon gros privilégiés. Comme si la rue leur appartenait à ces branleurs !
Tiens donc ! Voilà la tarlouze de fleuriste qui rajustait jusqu’à douze fois par jour ses bouquets avec des gestes de danseuse étoile périmée en reluquant en douce les jeunes livreurs. A deux pas de là, l’épicier pakistanais qui se tirait la bourre à grands coups de panneaux promotionnels avec son homologue de produits biologiques de mes deux, le boucher aux allures de rumsteck sur pattes.
Et le bouquet final ! La horde de femmes au foyer insatisfaites au pieu qui venaient venger leurs frustrations en venant tâter du melon et de la volaille. Tout ça pour préparer le repas qui allait faire tomber par terre les invités du soir. Toutes ces bonne-femmes qui déambulaient avec la marmaille obèse au train, leurs sacs de marque serrés sous le bras comme le saint Graal. Ben ouais ! Tout ce petit manège allait arrêter de tourner. Et il s’en délectait d’avance.
Vingt-sept nuits qu’il préparait la fête de cette « petite rue si convenable », si discrètement que même les pigeons dormant sur les toits n’y avaient rien vu.
Subtilement, il leva le nez et huma l’air en quelques fortes inspirations, comme un fauve sentant la viande fraîche.

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