jeudi 4 novembre 2010

Chapitre 9, 2 pages

Chapitre IX

Anua fait sa dépression

Sa belle théorie ne verrait jamais le jour. Jamais, oh plus jamais elle ne pourrait étayer sa thèse Le peuplement de l’Amérique et de la Sibérie, il y a plus d’une cinquantaine de milliers d'années au lieu des dix à vingt mille ans habituellement admis ne verrait jamais le jour.
Fini les recherches sur les hommes en provenance des environs du golfe Persique alors à sec tout comme la Manche en Europe ou encore le détroit de Bering au Nord-Est de l'Asie. Une période ou La Seine et la Tamise ne formaient qu'un seul énorme fleuve par exemple. Cette période correspondait aux premiers signes annonçant le réchauffement climatique de la dernière période de glaciation du Riss.
Et ben, elle pouvait maintenant toujours tenter de planter des patates dans la Manche ou même en Sibérie si le cœur lui en disait ! Elle avait tout le temps devant elle maintenant que le nom d’Anua était devenu synonyme de baliverne. Autant aller à la pêche au monstre du Loch Ness, bon sang !
Elle oscillait sans cesse entre fureur et longues périodes de frustration. Depuis la mise à sac de l’ensemble de son travail, Anua restait  recroquevillée en boule sur son sofa.

Et voilà comment on se retrouve une semaine à tenter de disparaître de la surface terrestre. Sept longs jours à se terrer dans son labo, priant que personne n’arrive à la trouver, surtout tout ce qui pouvait ressembler à un journaliste.
Et depuis que ses supérieurs l'avaient priée de vider les lieux pour "quelque temps", elle était partie, n'emportant que le strict minimum de ses affaires. Elle avait quand même réussie à prendre l'un de ces fameux sceaux cylindres en le cachant dans un rouleau à dessin. Il allait bien falloir qu’elle se remette au travail, qu’elle ressorte ce mystérieux cylindre et entrouve l’origine et sa raison d’être.

 En attendant, Anua se félicitait aujourd’hui d’avoir pris son petit « chez elle » sous le nom de jeune fille de sa mère. Elle y était anonyme, au moins pour un temps.
Après ces quelques jours d’isolement, Anua commençait à faire son « mea culpa ».
Elle avait bien senti le danger de ses révélations et avait demandé conseil à plusieurs scientifiques à qui elle accordait grand crédit. Ils l’avaient tous prévenu du risque de partager ses découvertes avec des néophytes.
Même ses amis du FBI dont la collaboration se passait au mieux lorsqu’une enquête requérait des fouilles et avec qui elle entretenait les meilleures relations l’avaient mis en garde.
Mais Anua fonçait. Quand elle était sure d’elle, rien ne pouvait l’arrêter.

Déjà toute petite, ses parents s’inquiétaient de son caractère «à l’emporte pièce» et s’étonnaient de son manque de jugeote dès qu’elle pensait être dans son bon droit. Il y a encore une dizaine de jours, son cher père l’avait mis lui aussi mise en garde contre tout excès de confiance. Il lui avait dit :
-  Soit prudente, ma fille ! Tu as une bombe entre les mains et elle pourrait bien t’exploser à la figure. Fait attention à la manière dont tu vas t’y prendre pour divulguer ta découverte. Je ne voudrais pas te ramasser à la petite cuillère comme à chaque fois que tu n’écoutes que toi et que les évènements te reviennent en plein visage. Prends des conseils, entoure-toi bien et fait en sorte d’être cautionnée par les apparatchiks scientifiques que tu détestes tant, ma chérie.

Anua n’en avait eu cure et avait été droit dans le mur. Et elle allait mettre du temps à s’en remettre, cette fois-ci !
- Et voilà, c’est foutu ! Personne ne voudra plus jamais me croire même si je dis avoir trouvé un os dans les catacombes de Rome ! Je n’ai plus qu’à m’habiller en sorcière et me reconvertir dans la vente de citrouille pour Halloween ! Là au moins, j’aurai du succès, bougonna-t-elle en balayant du regard les piles des dossiers « Colorado Project » et du futur « Sibérian and first human step » amoncelées sur son bureau.
Il lui fallait se sortir de ce guêpier au plus vite. Mais c’était pour le moment le noir le plus complet sur la manière de faire remonter sa côte. Le simple droit de pouvoir s’exprimer publiquement lui était pour l’instant confisqué. Pour répondre à toutes ces attaques, Anua allait devoir apprendre la patience.
Bien sur, elle aurait dû attendre l’aval du conseil avant de faire publier sa découverte. Pourtant, il y a quatre ans, quand elle avait trouvé les mêmes types d’objet au Nord-Ouest de l’Inde non loin des sources de l’Indus, la communauté scientifique avait loué sa technique de travail originale, son instinct et son esprit aventureux. Qualités qui « remettaient en question le socle de nos certitudes historiques » d’après ce ramassis de girouettes.
C’est par ce succès, portée par la gloire, qu’elle avait pu financer, sans aucune difficulté, ses prochains projets : « Colorado et Sibéria Project ».

Le téléphone sonna. Anua sursauta perdue dans ses pensées et il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits. Elle hésita à décrocher. Ce devait être un de ces gougnafiers de journaliste qui avait fini par la localiser, se dit-elle avant qu’une intuition ne lui ordonne de répondre. Oui, il était vital de décrocher ! Sa moelle osseuse lui dictait de le faire.
Le même type de sensations qui avaient guidés ses principales découvertes. Une nécessité impérative sur l’endroit ou creuser pour trouver ses extraordinaires trouvailles en Roumanie, en Inde et Colorado, au milieu de rien, sans indice préalable véritable. Cette même poussée d’adrénaline qui lui valait tant d’ennuis aujourd’hui.
A la quatrième sonnerie, elle se retourna et décrocha vivement le combiné. La main tremblante, une angoisse inconnue à ce jour lui étreignait la poitrine. C'est la voix tremblante, le souffle coupé, qu'elle réussit à articuler un faible : « Allô ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire